Au fur et à mesure que j’avançais dans mon travail, je me suis rendue compte que l’acte photographique me limitait dans mon désir et ma nécessité d’aller vers « l’autre ». En effet, si la fraction de seconde me permettait le prélèvement d’une image de mes rencontres, elle me limitait dans ma volonté de donner la parole, de prendre et de donner du temps. Aussi, j’ai commencé, en parallèle à mes autres moyens d’expressions, à pratiquer l’enregistrement sonore.
C’est avec des personnes sans domiciles fixes que je croisais dans mon quotidien strasbourgeois, des personnes qualifiées de « marginales » que j’ai décidé de travailler.
J’ai vite compris que toutes les étapes dans ce nouveau travail étaient importantes : approches, régularité des rencontres, discussions autour d’un café, enregistrements. Le temps est devenu une composante incontournable dans mon travail.
Ces nouvelles rencontres ont abouti à un travail d’installation présenté dans les bibliothèques de la ville. Un dispositif scénique de face à face proposant aux visiteurs d’entendre dans l’intimité de casques d’écouteurs individuels, les paroles des « sans paroles » relatant des tranches de vie, des histoires singulières, hors normes.
Durant l’écoute, l’auditeur pouvait feuilleter des livres « sans titre » posés sur la table, livres réalisés à partir de fragments d’informations tranchés aléatoirement dans des journaux des photos noir et blanc prises sur les lieux où je rencontrais habituellement les personnes sans domiciles fixes étaient glissées entre les pages de ces livres.

Mon intention dans ce travail, avec mes moyens d’artiste : confronter le public à ces vies « autres ».